Tout cela, vrai ou faux, ce n’est pas d’eux que je le tiens, le hasard seul me l’a appris. Mais voici une chose que, je crois, vous ignorez encore : ces messieurs n’entendent nullement se séparer de vous.
— C’est absurde ! cria Chatoff, — j’ai loyalement déclaré que j’étais en désaccord avec eux sur tous les points ! C’est mon droit, le droit de la conscience et de la pensée… Je ne souffrirai pas cela ! Il n’y a pas de force qui puisse…
— Vous savez, ne criez pas, observa très sérieusement Nicolas Vsévolodovitch, — ce Verkhovensky est un gaillard capable de nous entendre en ce moment ; qui sait s’il n’a pas dans votre vestibule son oreille ou celle d’un de ses affidés ? Il se peut que cet ivrogne de Lébiadkine ait été lui-même chargé de vous surveiller, comme peut-être vous l’aviez sous votre surveillance, n’est-ce pas ? Dites-moi plutôt ceci : est-ce que Verkhovensky s’est rendu à vos raisons ?
— Il s’y est rendu, il a reconnu que je pouvais me retirer, que j’en avais le droit…
— Eh bien, alors il vous trompe. Je sais que Kiriloff lui-même, qui est à peine des leurs, a fourni sur vous des renseignements ; ils ont beaucoup d’agents, et, parmi ceux-ci, plusieurs les servent sans le savoir. On a toujours eu l’œil sur vous ; Verkhovensky, notamment, est venu ici pour régler votre affaire, et il a de pleins pouvoirs pour cela : on veut, à la première occasion favorable, se débarrasser de vous parce que vous savez trop de choses et que vous pouvez faire des révélations. Je vous répète que c’est certain ; permettez-moi de vous le dire, ils sont absolument convaincus que vous êtes un espion et que, si vous ne les avez pas encore dénoncés, vous comptez le faire. Est-ce vrai ?
À cette question qui lui était adressée du ton le plus ordinaire, Chatoff fit une grimace.
— Quand même je serais un espion, à qui les dénoncerais-je ? répliqua-t-il avec colère, sans répondre directement. — Non, laissez-moi, que le diable m’emporte ! s’écria-t-il, revenant soudain à sa première idée qui, évidemment, le