t-il, — dans toutes vos lettres vous parlez de « déshonneur domestique ». Quel déshonneur y a-t-il donc pour vous dans le mariage de votre soeur avec Stavroguine ?
— Mais ce mariage est ignoré, Nicolas Vsévolodovitch, personne ne le connaît, c’est un secret fatal. Je reçois de l’argent de vous, et tout à coup on me demande : À quel titre touchez-vous cet argent ? Je suis lié, je ne veux pas répondre, cela porte préjudice à la réputation de ma sœur, à l’honneur de mon nom.
Le capitaine avait élevé le ton : il aimait ce thème dont il attendait un effet sûr. Hélas ! quelle déception lui était réservée ! Tranquillement, comme s’il se fût agi de la chose la plus simple du monde, Nicolas Vsévolodovitch lui apprit que sous peu de jours, peut-être demain ou après-demain, il avait l’intention de porter son mariage à la connaissance « de la police aussi bien que de la société », ce qui trancherait du même coup et la question de l’honneur domestique et celle des subsides. Le capitaine écarquillait les yeux ; dans le premier moment il ne comprit pas, Nicolas Vsévolodovitch dut lui expliquer ses paroles.
— Mais c’est une… aliénée ?
— Je prendrai mes dispositions en conséquence.
— Mais… que dira votre mère ?
— Elle dira ce qu’elle voudra.
— Et vous introduirez votre femme dans votre maison ?
— Oui, peut-être. Du reste, cela ne vous regarde pas.
— Comment, cela ne me regarde pas ? s’écria le capitaine ; — mais moi, quelle sera donc ma situation ?
— Eh bien, naturellement, vous n’entrerez pas chez moi.
— Je suis pourtant un parent.
— Les parents comme vous, on les fuit. Pourquoi vous donnerais-je alors de l’argent ? Jugez-en vous-même.
— Nicolas Vsévolodovitch, Nicolas Vsévolodovitch, c’est impossible, vous réfléchirez peut-être encore, vous ne voudrez pas attenter… que pensera-t-on, que dira-t-on dans le monde ?