Page:Dostoïevski - Les Possédés, Plon, 1886, tome 1.djvu/329

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— Je ne songe à aucune question et je n’ai aucun doute, vous feriez mieux de vous taire ! répliqua-t-elle d’une voix inquiète.

— C’est-à-dire que vous sûre que je ne ferai pas marché avec Fedka ?

— Oh ! mon Dieu ! s’écria la jeune fille en frappant ses mains l’une contre l’autre, — pourquoi me tourmentez-vous ainsi ?

— Allons, pardonnez-moi mon stupide badinage, sans doute je prends avec eux de mauvaises manières. Vous savez, depuis la nuit dernière j’ai une terrible envie de rire, c’est un besoin d’hilarité prolongée, continuelle ; je suis comme bourré de rire… Chut ! Ma mère est revenue ; je reconnais le bruit de sa voiture.

Dacha prit la main de Nicolas Vsévolodovitch.

— Que Dieu vous garde de votre démon, et… appelez-moi, appelez- moi le plus tôt possible !

— Mon démon, dites-vous ! Ce n’est qu’un pauvre petit diablotin scrofuleux, enrhumé, un malchanceux. Eh bien, Dacha, vous n’osez toujours pas me faire votre question ?

Elle le regarda avec une expression de douloureux reproche et se dirigea vers la porte.

Un sourire acerbe parut sur les lèvres de Stavroguine.

— Écoutez ! cria-t-il. — Si… eh bien, en un mot, _si_… vous comprenez, allons, si je traitais avec Fedka et qu’ensuite je vous appelasse, viendriez-vous tout de même ?

Elle sortit sans se retourner et sans répondre, le visage caché dans ses mains.

Stavroguine resta songeur.

— Elle viendra même après cela ! murmura-t-il avec un sentiment de dégoût. — Une garde-malade ! Hum !… Du reste, j’en ai peut-être besoin.