Page:Dostoïevski - Les Possédés, Plon, 1886, tome 1.djvu/51

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— Irascible, mais bon.

— Je ne puis souffrir votre Chatoff ; il est méchant, et a une trop haute opinion de lui-même.

— Comment se porte Daria Pavlovna ?

— C’est de Dacha que vous parlez ? Quelle idée vous prend ? répondit Barbara Pétrovna en fixant sur lui un regard curieux. — Elle va bien, je l’ai laissée chez les Drozdoff… En Suisse, j’ai entendu parler de votre fils, on n’en dit pas de bien, au contraire.

— Oh ! c’est une histoire bien bête ! Je vous attendais, ma bonne amie, pour vous raconter…

— Assez, Stépan Trophimovitch, laissez-moi la paix, je n’en puis plus. Nous avons le temps de causer, surtout de pareilles choses. Vous commencez à envoyer des jets de salive quand vous riez, c’est un signe de sénilité ! Et quel rire étrange vous avez maintenant !… Mon Dieu, que de mauvaises habitudes vous avez prises ! Allons, assez, assez, je tombe de fatigue ! On peut bien avoir enfin pitié d’une créature humaine !

Stépan Trophimovitch »eut pitié de la créature humaine », mais il se retira tout chagrin.

V

Dans les derniers jours d’août, les dames Drozdoff revinrent enfin, elles aussi. Leur arrivée, qui précéda de peu celle de notre nouvelle gouvernante, fit en général sensation dans la société. Mais je parlerai de cela plus tard ; je me bornerai à dire, pour le moment, que Prascovie Ivanovna, attendue avec tant d’impatience par Barbara Pétrovna, lui apporta une nouvelle des plus étranges : Nicolas avait quitté les dames Drozdoff dès le mois de juillet ; ensuite, ayant rencontré le comte K… sur les bords du Rhin, il était