Page:Dostoïevski - Les Possédés, Plon, 1886, tome 2.djvu/29

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contre le sommeil et s’efforçait de sourire ; puis, de retour chez lui, il déplorait avec sa grande perche de femme la malheureuse faiblesse de leur bienfaiteur pour la littérature russe.

Lorsque Blum entra, André Antonovitch le regarda d’un air de souffrance.

— Je te prie, Blum, de me laisser en repos, se hâta-t-il de lui dire, voulant évidemment l’empêcher de reprendre la conversation que l’arrivée de Pierre Stépanovitch avait interrompue.

— Et pourtant cela pourrait se faire de la façon la plus discrète, sans attirer aucunement l’attention ; vous avez de pleins pouvoirs, insista avec une fermeté respectueuse l’employé qui, l’échine courbée, s’avançait à petits pas vers le gouverneur.

— Blum, tu m’es tellement dévoué que ton zèle m’épouvante.

— Vous dites toujours des choses spirituelles, et, satisfait de vos paroles, vous vous endormez tranquillement, mais par cela même vous vous nuisez.

— Blum, je viens de me convaincre que ce n’est pas du tout cela, pas du tout.

— N’est-ce pas d’après les paroles de ce jeune homme fourbe et dépravé que vous-même soupçonnez ? Il vous a amadoué en faisant l’éloge de votre talent littéraire.

— Blum, tu dérailles ; ton projet est une absurdité, te dis-je. Nous ne trouverons rien, nous provoquerons un vacarme terrible, ensuite on se moquera de nous, et puis Julie Mikhaïlovna…

L’employé, la main droite appuyée sur son cœur, s’approcha d’un pas ferme de Von Lembke.

— Nous trouverons incontestablement tout ce que nous cherchons, répondit-il ; — la descente se fera à l’improviste, de grand matin ; nous aurons tous les ménagements voulus pour la personne, et nous respecterons strictement les formes légales. Des jeunes gens qui sont allés là plus d’une fois, Liamchine et T