Page:Dostoïevski - Souvenirs de la maison des morts.djvu/127

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portait un bonnet très-haut, ayant la forme d’un gâteau de sarrasin. La silhouette se dessinait vivement sur la neige blanche.

— Regardez comme notre frérot Pétrovitch est habillé ! remarqua un de mes compagnons en imitant la prononciation des paysans.

Ce qu’il y avait d’amusant, c’est que les forçats regardaient les paysans du haut de leur grandeur, bien qu’ils fussent eux-mêmes paysans pour la plupart.

— Le dernier surtout…, un dirait qu’il plante des raves.

— C’est un gros bonnet…, il a beaucoup d’argent, dit un troisième.

Tous se mirent à rire, mais mollement, comme de mauvaise grâce. Pendant ce temps, une marchande de pains blancs était arrivée : c’était une femme vive, à la mine éveillée. On lui acheta des miches avec l’aumône de cinq kopeks reçue du bourgeois, et on les partagea par égales parties.

Le jeune gars qui vendait des pains dans la maison de force en prit deux dizaines et entama une vive discussion avec la marchande pour qu’elle lui fit une remise. Mais elle ne consentit pas à cet arrangement.

— Eh bien, et cela, tu ne me le donneras pas ?

— Quoi ?

— Tiens, parbleu, ce que les souris ne mangent pas ?

— Que la peste t’empoisonne ! glapit la femme qui éclata de rire.

Enfin, le sous-officier préposé aux travaux arriva, un bâton à la main.

— Eh ! qu’avez-vous à vous asseoir ! Commencez !

— Alors, donnez-nous des tâches, Ivane Matvieitch, dit un des « commandants » en se levant lentement.

— Que vous faut-il encore ?… Tirez la barque, voilà votre tâche.

Les forçats finirent par se lever et par descendre vers