Aller au contenu

Page:Dostoïevski - Souvenirs de la maison des morts.djvu/174

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

monde. Ne le croyez pas si vous voulez, Alexandre Pétrovitch, mais ces deux semaines ont été tout le bonheur de ma vie. Je voyais Louisa chaque jour. Et comme elle s’était attachée à moi ! Elle me disait en pleurant : « Si l’on t’exile, j’irai avec toi, je quitterai tout pour te suivre. » Je pensais déjà à en finir avec ma vie, tant elle m’avait apitoyé. Mais au bout des deux semaines, on m’arrêta. Le vieux et la tante s’étaient entendus pour me dénoncer.

— Mais, interrompis-je, Baklouchine, attendez ! — pour cela, on ne pouvait vous infliger que dix à douze ans de travaux, le maximum de la peine, et encore dans la section civile ; pourtant, vous êtes dans la « section particulière ». Comment cela se fait-il ?

— C’est une autre affaire, dit Baklouchine. Quand on me conduisit devant le conseil de guerre, le capitaine rapporteur commença à m’insulter devant le tribunal, à me dire des gros mots. Je n’y tins pas, je lui criai : « Pourquoi m’injuries-tu ? Ne vois-tu pas, canaille, que tu te regardes dans un miroir ? » Cela m’a fait une nouvelle affaire, on m’a remis en jugement, et pour les deux choses j’ai été condamné à quatre mille coups de verges et à la « section particulière ». Quand on me fit sortir pour subir ma punition dans la rue verte, on emmena le capitaine : il avait été cassé de son grade et envoyé au Caucase en qualité de simple soldat. — Au revoir, Alexandre Pétrovitch. Ne manquez pas de venir voir notre représentation.



X


LA FÊTE DE NOËL.


Les fêtes approchaient enfin. La veille du grand jour, les forçats n’allèrent presque pas au travail. Ceux qui travaillaient dans les ateliers de couture et autres s’y rendirent