— Il ment ! il ment ! il ment ! Rien de vraisemblable !… criait Boulkine.
— Qu’est-ce que ça peut bien te faire ? répondirent les forçats en riant.
— Je vous dirai, Alexandre Pétrovitch, que j’étais très-joli garçon quand j’étais jeune et que les filles m’aimaient beaucoup, beaucoup… fit brusquement Varlamof de but en blanc.
— Il ment ! Le voilà qui ment encore ! l’interrompit Boulkine en poussant un gémissement. Les forçats éclatèrent de rire.
— Et moi, je faisais le beau devant elles ; j’avais une chemise rouge, des pantalons larges, en peluche, je me couchais quand je voulais, comme le comte de la Bouteille ; en un mot, je faisais tout ce que je pouvais seulement désirer.
— Il ment ! déclare résolument Boulkine.
—J’avais alors hérité de mon père une maison de pierre, à deux étages. Eh bien, en deux ans, j’ai mis bas les deux étages, il m’est resté tout juste une porte cochère sans colonnes ni montants. Que voulez-vous ? l’argent, c’est comme les pigeons, il arrive et puis il s’envole.
— Il ment ! déclare Boulkine plus résolument encore…
— Alors, quand je suis arrivé, au bout de quelques jours, j’ai envoyé une pleurrade (lettre) à ma parenté pour qu’ils m’expédient de l’argent. Parce qu’on disait que j’avais agi contre la volonté de mes parents, j’étais irrespectueux. Voilà tantôt sept ans que je l’ai envoyée, ma lettre !
— Et pas de réponse ? demandai-je en souriant.
— Eh non ! fit-il en riant lui aussi et en approchant toujours plus son nez de mon visage. — J’ai ici une amoureuse, Alexandre Pétrovitch !…
— Vous ? une amoureuse ?
— Onuphrief disait, il n’y a pas longtemps : La mienne est grêlée, laide tant que tu voudras, mais elle a beaucoup de robes ; tandis que la tienne est jolie, mais c’est une mendiante, elle porte la besace.