Page:Dostoïevski - Souvenirs de la maison des morts.djvu/319

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— As-tu cru par hasard qu’il reviendrait nous remercier ? fit un troisième,

— C’est sûr, il est libre. Il a senti la liberté.

— Oui, la liberté.

— On ne le reverra plus, camarades.

— Qu’avez-vous à rester là ? en route, marche ! crièrent les soldats d’escorte, et tous s’en allèrent lentement au travail.



VII


LE « GRIEF ».


Au commencement de ce chapitre, l’éditeur des Souvenirs de feu Alexandre Pétrovitch Goriantchikof croit de son devoir de faire aux lecteurs la communication suivante :

« Dans le premier chapitre des Souvenirs de la Maison des morts il est dit quelques mots d’un parricide, noble de naissance, pris comme exemple de l’insensibilité avec laquelle les condamnés parlent des crimes qu’ils ont commis. Il a été dit aussi qu’il n’avait rien voulu avouer devant le tribunal, mais que, grâce aux récits de personnes connaissant tous les détails de son histoire, l’évidence de sa culpabilité était hors de doute. Ces personnes avaient raconté à l’auteur de ces Souvenirs que le criminel était un débauché criblé de dettes, et qui avait assassiné son père pour recevoir plus vite son héritage. Du reste, toute la ville dans laquelle servait ce parricide racontait son histoire de la même manière, ce dont l’éditeur des présents Souvenirs est amplement informé. Enfin il a été dit que cet assassin, même à la maison de force, était de l’humeur la plus joyeuse et la plus gaie, que c’était un homme inconsidéré et étourdi, quoique intelligent, et que l’auteur des Souvenirs ne remarqua jamais qu’il fût particulièrement cruel, à quoi il ajoute : « Aussi ne lai-je jamais cru coupable. »