Page:Dostoïevski - Souvenirs de la maison des morts.djvu/369

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— Eh bien ! Mametka, iakchi.

— Iakchi, oukh iakchi ! marmottait Mametka, en secouant sa tête grotesque. — Iakchi.

— On ne les attrapera pas ? Iok.

— Ioi, iok ! Et Mametka branlait et hochait la tête, en brandissant les bras.

— Tu as donc menti, et moi je n’ai pas compris, hein ?

— C’est ça, c’est ça, iakchi ! répondait Mametka.

— Allons, bon, iakch, aussi.

Skouratof lui donna une chiquenaude qui lui enfonça son bonnet jusque sur les yeux, et sortit de très-bonne humeur, laissant Mametka abasourdi.

Pendant une semaine entière, la discipline fut extrêmement sévère dans la maison de force ; on se livrait à des battues minutieuses dans les environs. Je ne sais comment cela se faisait, mais les détenus étaient toujours au courant des dispositions que prenait l’administration pour retrouver les fugitifs. Les premiers jours, les nouvelles leur étaient très-favorables : ils avaient disparu sans laisser de traces. Nos forçats ne faisaient que se moquer des chefs, et n’avaient plus aucune inquiétude sur le sort de leurs camarades. « On ne trouvera rien, vous verrez qu’on ne les pincera pas », disaient-ils avec satisfaction.

On savait que tous les paysans des environs étaient sur pied et qu’ils surveillaient les endroits suspects, comme les forêts et les ravins.

— Des bêtises ! ricanaient les nôtres, pour sûr ils sont cachés chez un homme à eux.

— Pour sûr ! — ce sont des gaillards qui ne se hasardent pas sans avoir tout préparé à l’avance.

Les suppositions allèrent plus loin ; on disait qu’ils étaient peut-être encore cachés dans le faubourg, dans une cave, en attendant que la panique eût cessé et que leurs cheveux eussent repoussé. Ils y resteraient peut-être six mois, et alors ils s’en iraient tout tranquillement plus loin…