Page:Dostoïevski - Un adolescent, trad. Bienstock et Fénéon, 1902.djvu/25

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princes. Comme on voit, le personnage ne laissait pas d’avoir des côtés comiques.

Bien entendu, je n’étais jamais de ces assemblées familiales. Presque dès ma naissance, j’avais été éli­miné ; des étrangers étaient commis à ma garde et à mon éducation. Oh, cela n’impliquait à mon égard aucune malveillance délibérée ; c’était comme cela, tout simplement. Lors de ma naissance, ma mère était encore jeune et belle : cet homme était donc soucieux de l ’avoir toute à lui, et l’enfant crieur était encombrant, surtout en voyage. De sorte que jus­qu’à ma vingtième année je n’ai vu ma mère que deux ou trois fois, par hasard. De ce modus vivendi, naturellement elle n’était pas responsable. L’arro­gance de Versilov réglait notre commerce.

VI

Passons à un autre sujet.

Un mois avant, je veux dire, un mois avant le 19 septembre, — à Moscou, je résolus de renoncer à tout ce monde et à me renfermer définitivement dans mon idée. « Me renfermer dans mon idée », dans l’idée pour la réalisation de quoi je persiste à vivre. Ce qu’est « mon idée », je le dirai plus tard et ne le dirai que trop.

Elle commença à se configurer dans mon esprit, vers le temps où j’étais en « sixième année » scolaire, et depuis elle fut ma compagne de tous les instants. Elle absorba ma vie. Avant qu’elle apparût, je vivais