façon de bureau. Là, un employé vérifiait les comptes, tenait les livres ; de là, il administrait la maison. Cet employé, qui d’ailleurs était titulaire d’un emploi en quelque ministère, suffisait à sa tâche. On m’adjoignit à lui, pour la forme. En fait, je fus installé dans le cabinet du prince. Travailleur illusoire, je ne sauvais même pas les apparences : assis à une table vierge de tout papier.
J’écris maintenant comme un homme qui depuis longtemps déjà s ’est ressaisi et qui est devenu un spectateur désintéressé... Mais comment exprimer la tristesse qui pesait sur moi et cette nervosité qui peuplait d’énigmes mes insomnies ?
Demander de l’argent, même celui d’un appointement régulier, c’est fort désagréable pour qui sait ne l’avoir pas gagné... La veille, j’avais entendu ma mère chuchoter à ma sœur, en cachette de Versilov (« pour ne pas attrister André Pétrovitch »), son projet de porter au lombard une icône à quoi, je ne sais pour quelle cause, elle tenait fort. Je servais le prince au tarif de cinquante roubles par mois, mais j’ignorais comment me serait remise cette somme ; on ne m’avait rien dit à ce sujet lors de mon entrée en fonctions. Trois jours avant la fin de mon mois de travail, j’avais demandé à l’employé aux écritures :
— De la main de qui reçoit-on les appointements ici?
Il m’avait regardé avec un sourire d’ironique étonnement (il ne m’aimait pas).