dorée, de l’inertie, de l’incapacité ; on vit dans l’attente des alouettes toutes rôties. Personne ne réfléchit ; rarement quelqu’un porte en soi une pensée vivace.
Nouveau silence.
— Aujourd’hui, poursuivit-il, on coupe les forêts en Russie, on épuise la terre, on la transforme en steppe. Qu’un homme plante un arbre, tout le monde de rire : « Le verras-tu quand il fructifiera ? » Et, d ’autre part, ceux qui ont un désir de mieux nous parlent de ce qui sera dans mille ans. Tous sont comme dans une auberge, et ils sont prêts à quitter la Russie de main…
— Permettez, Kraft, vous avez dit : « … parlent de ce qui sera dans mille ans. » Eh bien, et votre inquiétude du sort de la Russie, n’est-ce pas un souci du même genre ?
— C’est… c’est la question essentielle, prononça-t-il, et brusquement il se leva.
Puis, d ’une voix toute différente :
— Ah ! j’oubliais… je vous ai amené ici pour une affaire déterminée… Excusez-moi. Et, prenant sur la table un portefeuille, il en tira une lettre qu’il me tendit.
— C’est un document d’une certaine importance, une lettre de ce même Stolbéiev dont le testament motiva, entre Versilov et les princes Sokolski, le procès que vous savez. Ce procès se résoudra, selon toute probabilité, au profit de Versilov, qui a la loi pour lui. Cependant, cette lettre privée, écrite il y a deux ans par le testateur lui-même, contient telles phrases, intéressantes pour l’interprétation de certaines clauses du testament et qui paraissent favorables à la thèse des princes Sokolski. Ceux-ci donneraient beau-