Catherine s’adressant au patron. – Si tu as encore, au fond du cœur, de la tendresse pour moi, buvons ! Buvons à notre bonheur vécu ! Saluons les années finies, saluons-les ! Ordonne donc de verser, si tu m’aimes.
— Ton vin est fort, ma colombe, et toi, tu ne fais que mouiller tes lèvres… dit le vieillard en souriant, et il tendit de nouveau son gobelet.
— Eh bien ! Je vais y goûter, mais tu boiras jusqu’au fond !… Pourquoi vivre, vieillard, avec une pensée pénible ? Une pensée pénible rend le cœur languissant. Penser, c’est se chagriner : il faut vivre sans pensées, c’est le bonheur. Bois, vieillard, noie tes pensées.
— As-tu donc tant de chagrin, toi-même, que tu saches si bien le seul moyen de le conjurer ? Allons ! Je bois à toi, Katia, ma blanche colombe ! – Et toi, barine, si tu me permets de te le demander, as-tu du chagrin ?
— Si j’en ai, je le garde, murmura Ordinov sans quitter des yeux Catherine.
— As-tu entendu, vieillard ? Moi aussi, il n’y a pas longtemps que je sais voir en moi-même. Je n’avais pas de souvenirs, et soudain, quand