Page:Dostoïevsky - L’Esprit souterrain, trad. Halpérine et Morice, 1886.djvu/178

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de quelque personnage faussé par l’éducation du temps, par les raffinements de la civilisation européenne, et qui geint en homme élevé au-dessus du niveau naturel et des principes populaires, comme on dit aujourd’hui. Ses gémissements sont méchants, hargneux, et ne cessent ni nuit ni jour : il sait bien que cela ne lui sert à rien et qu’il ferait bien de se taire ; il sait mieux que tout autre qu’il s’irrite vainement lui-même et irrite son entourage. Et je le répète, c’est dans la conscience de tout cet avilissement que consiste le vrai délice.

Vous ne comprenez pas encore, messieurs ? Non, je vois qu’il faut prodigieusement s’aiguiser l’esprit pour comprendre tous les détours de ce singulier plaisir. Vous riez ? J’en suis bien aise ! Mes boutades, certes, sont de mauvais goût, sans mesure, folles ? ― Mais ne comprenez-vous pas que je n’ai aucun souci de ce que je peux dire, n’ayant aucune estime de moi-même ? Est-ce qu’un homme conscient peut s’estimer ?