Page:Dostoïevsky - L’Esprit souterrain, trad. Halpérine et Morice, 1886.djvu/183

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monde, l’homme a-t-il agi exclusivement par intérêt ? Que fait-on donc de ces innombrables documents qui témoignent que les hommes font exprès sans se leurrer sur leurs véritables intérêts, sans y être poussés par rien, pour se détourner exprès, dis-je, de la voie droite, en cherchant à tâtons le mauvais chemin, des actions absurdes et mauvaises ? C’est que ce libertinage leur convient mieux que toute considération d’intérêt réel… L’intérêt ! mais qu’est-ce donc que l’intérêt ? Qui me le définira avec exactitude ? Que direz-vous si je vous prouve que parfois l’intérêt réel consiste en un certain mal, un mal nuisible, un mal assuré, qu’on préfère à un bien ? Et alors, la règle disparaît. Mais vous pensez qu’il n’y a pas de cas semblables. Et vous riez. Riez, mais répondez. A-t-on bien calculé tous les intérêts humains ? N’y en a-t-il pas un qui échappe à toutes vos classifications ? Vous établissez vos listes d’intérêts sur des moyennes fournies par les statistiques et les résultats de l’économie politique : ce sont le bonheur, la richesse, la liberté, le repos, etc., etc.… De sorte qu’un homme qui ne voudrait pas tenir compte de vos listes serait un obscurantiste, un arriéré, un fou,