Page:Dostoïevsky - L’Esprit souterrain, trad. Halpérine et Morice, 1886.djvu/210

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XV


Dès la veille j’avais prévu que j’arriverais le premier. Non-seulement il n’y avait encore personne, mais c’est à peine si je pus me faire conduire dans le cabinet qui nous était réservé. La table n’était pas encore mise. Qu’est-ce que cela signifiait ? À la fin, le garçon voulut bien m’apprendre que le dîner était pour six heures et non pour cinq. Il n’était que cinq heures vingt-cinq. ― Évidemment on aurait dû me prévenir. La poste est faite pour cela. C’était donc exprès qu’on m’avait infligé la « honte » à mes propres yeux et… aux yeux du garçon, d’arriver ainsi, seul, sans savoir l’heure, comme un intrus. J’ai rarement passé des moments plus insupportables. Quand, à six heures précises, ils arrivèrent tous ensemble, j’eus d’abord quelque plaisir à les voir, ils étaient pour moi des libérateurs, et j’en oubliais presque que je devais me considérer comme offensé.