Page:Dostoïevsky - L’Esprit souterrain, trad. Halpérine et Morice, 1886.djvu/231

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delle qui brûlait sur la table, dans un coin, s’éteignait en jetant des étincelles. Bientôt l’obscurité allait être complète.

J’avais dans la tête une sorte de brouillard. Je voyais des choses vagues flotter au-dessus de moi, près de moi, me frôler. J’étais inquiet, d’une humeur noire. La bile me tourmentait. ― Tout à coup, j’aperçus à mes côtés deux yeux grands ouverts qui me regardaient fixement et curieusement. Le regard était froid, indifférent, morne, comme étranger à cette femme elle-même.

Je me sentis mal à l’aise.

Une pensée aigre me traversa l’esprit, et me communiqua par tout le corps une sensation désagréable, comparable à celle qu’on éprouve en entrant dans l’atmosphère fade d’une cave humide. Il me parut anormal que ce fût précisément en ce moment que ces deux yeux se missent à me regarder. Je me rappelai que depuis deux heures que j’étais avec elle, je n’avais pas adressé un mot à la créature. Eh bien ? je n’avais pas cru nécessaire de lui parler : il m’avait plu ainsi. Mais maintenant la débauche, qui commence brutalement et effrontément par où le véritable amour se