Page:Dostoïevsky - L’Esprit souterrain, trad. Halpérine et Morice, 1886.djvu/274

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d’une voix calme, égale, en chantonnant, comme s’il veillait un mort. ― Il est curieux que ce soit ainsi qu’il ait fini : il se loue maintenant pour lire les psaumes auprès des morts ! le reste de son temps est partagé entre les deux professions de preneur de rats et de cireur de bottes. ― Mais en ce temps-là, je ne pouvais le chasser : il était soudé à mon existence, chimiquement. D’ailleurs, il n’aurait pour rien au monde consenti à s’en aller. De mon côté, je n’aurais pu vivre dans une chambre garnie : mon logement était isolé ; c’était ma gaine, la boîte, où je m’enfermais loin de toute l’humanité. Or, Apollon, le diable sait pourquoi ! me paraissait faire corps avec ce logement, et, sept ans durant, je ne pus me décider à le chasser.

Quant à lui retenir ses gages seulement deux ou trois jours, c’était impossible. Il faisait alors de telles histoires que je ne savais où me fourrer. Mais, cette fois, j’étais tellement exaspéré contre le monde entier que je me résolus, ― j’ignore pourquoi, ― à punir Apollon, à lui faire attendre ses gages pendant quinze jours entiers. Il y avait déjà longtemps, près de deux ans, que je m’étais