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Page:Dostoïevsky - L’Esprit souterrain, trad. Halpérine et Morice, 1886.djvu/47

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de malade, chaque rêve prenait corps en naissant, de telle sorte qu’il n’avait plus d’idées spirituelles, mais des mondes physiques et des constructions tangibles d’idées. Et il se voyait lui-même perdu comme un grain de sable dans cet étrange univers, infranchissable, infini, et il sentait la vie peser de tout son poids sur son indépendance et le poursuivre sans trêve comme une éternelle ironie. Et il se voyait mourir et tomber en poussière sans espérance de résurrection pour l’éternité. Et il cherchait où s’enfuir, sans trouver un coin pour se cacher dans cet abominable monde. Enfin, éperdu d’horreur, il réunit ses forces, jeta un cri et s’éveilla…

Il s’éveilla baigné d’une sueur glaciale. Autour de lui régnait un silence de mort. La nuit était profonde. Mais il lui semblait que quelque part se continuait encore le merveilleux conte, qu’une voix enrouée ressassait l’interminable récit qu’il croyait reconnaître. Et cela parlait de forêt sombre, de brigands audacieux, d’un gaillard déterminé presque semblable à Stegnka Razine, et de joyeux compagnons, et de bourlakis[1], et d’une

  1. Haleurs sur le Volga.