Page:Dostoievski - Les Pauvres Gens.djvu/143

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disant adieu à mes camarades. D’ailleurs, c’est mal à moi d’être une charge pour vous deux. Cette idée fait mon supplice. Je vous dis tout cela franchement, parce que j’ai l’habitude d’être franche avec vous. Est-ce que je ne vois pas Fédora se lever chaque jour de grand matin, se mettre à laver, et travailler jusqu’à une heure avancée de la nuit ? — Les vieux os pourtant aiment le repos. Est-ce que je ne vois pas que vous vous ruinez pour moi, que vous sacrifiez pour moi votre dernier kopek ? Vous outre-passez vos moyens, mon ami ! Vous m’écrivez que vous vendrez votre dernier vêtement, mais que vous ne me laisserez pas dans le besoin. Je le crois, mon ami, je crois à votre bon cœur, mais vous parlez ainsi maintenant. À présent ; il vous est survenu une aubaine inattendue, vous avez reçu une gratification ; mais ensuite ? Vous le savez vous-même, — je suis toujours malade ; je ne puis pas travailler comme vous, quelque envie que j’en eusse, et puis je n’ai pas toujours du travail. Que me reste-t-il donc ? Je n’ai plus qu’à me consumer dans le chagrin en vous contemplant tous deux si dévoués. En quoi puis-je vous être de la moindre utilité ? Et pourquoi vous suis-je si nécessaire, mon ami ? Quel