Page:Dostoievski - Les Pauvres Gens.djvu/192

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d’un an, mais comme vous avez promis de couper pour moi dans votre vieux tablier non-seulement une cravate, mais une chemisette, je n’ai pas non plus à m’occuper de cet article. Ainsi voilà l’affaire réglée quant aux bottes et à la cravate. Maintenant il y a les boutons, ma petite amie ! Vous conviendrez, mon petit chou, que je ne puis pas me passer de boutons ; et le bord de mon uniforme est effrangé à beaucoup de places ! Je tremble quand je pense que Son Excellence peut remarquer un pareil désordre et dire... — mais qu’importe ce qu’elle dira ? Je n’entendrai même pas ses paroles, matotchka, car je mourrai, je mourrai sur place, je mourrai de honte incontinent ; la seule idée de ses reproches me fera mourir ! — Oh, matotchka ! — Quand j’aurai paré à tous les besoins les plus urgents, il me restera encore trois roubles, ce sera pour vivre et pour acheter une demi-livre de tabac, car, mon petit ange, je ne puis me passer de tabac, et voilà déjà neuf jours que je n’ai pas fumé une seule pipe. J’aurais bien acheté cela sans vous en rien dire, mais je m’en fais scrupule. Là, vous êtes malheureuse, réduite aux plus cruelles privations, et moi, ici, je jouis de divers plaisirs ;