Page:Dostoievski - Les Pauvres Gens.djvu/237

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

d’autre. Je l’invitai à prendre du thé. Il fit beaucoup de façons et à la fin pourtant il accepta un verre. Il voulait boire son thé sans sucre, j’exigeai qu’il le sucrât ; après avoir fait encore beaucoup de cérémonies, il finit par mettre dans son verre le plus petit morceau de sucre et m’assura que le thé était excessivement doux. Eh, à quel abaissement la pauvreté réduit les gens ! — « Eh bien, quoi, qu’est-ce qu’il y a, batuchka ? » lui demandai-je. — « Mon bienfaiteur, Makar Alexéiévitch, ayez pitié de moi », me répondit-il, « secourez une famille malheureuse ; ma femme et mes enfants n’ont rien à manger ; c’est terrible pour un père ! » Je voulus parler, il m’interrompit : « Ici j’ai peur de tout le monde, Makar Alexéiévitch », poursuivit-il, « c’est-à-dire, ce n’est pas que j’aie peur, mais vous savez, je ne suis pas à mon aise, ce sont tous gens fiers et hautains. Je ne voudrais pas vous incommoder non plus, batuchka, mon bienfaiteur ; je sais que vous-même avez eu des ennuis, je sais que vous ne pouvez pas donner beaucoup, mais prêtez-moi si peu que ce soit. Je me suis permis de m’adresser à vous, parce que je connais votre bon cœur, je sais que vous-même avez été dans