Page:Dostoievski - Les Pauvres Gens.djvu/263

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et, après trois ou quatre passes, a brusquement quitté la table. « Non, a-t-il dit, ce n’est que... je n’ai voulu que... » et il est parti. Il m’a rencontré dans le corridor, m’a pris les deux mains et m’a regardé dans les yeux, mais d’un air si singulier ; après m’avoir serré la main, il s’est éloigné, il souriait toujours, seulement son sourire était pénible, étrange, on aurait dit celui d’un mort. Sa femme pleurait de joie, la gaieté régnait chez eux comme en un jour de fête. Ils ont dîné vite. Voilà qu’après le repas il dit à sa femme : — « Écoutez, douchenka, je vais me reposer un moment », — et il va se mettre au lit. Il appelle sa petite fille, lui pose sa main sur la tête et caresse longtemps la chevelure de l’enfant. Ensuite il s’adresse de nouveau à sa femme : « Eh bien, et Pétinka ? Notre Pétia, dit-il, Pétinka ? » La femme fait le signe de la croix et répond qu’il est mort. — « Oui, oui, je sais, je sais tout. Pétinka est maintenant dans le royaume des cieux. » — Sa femme voit qu’il n’est pas dans son assiette, que l’événement l’a complètement bouleversé, et elle lui dit : — « Vous devriez dormir, douchenka. » — « Oui, c’est bien, tout de suite... je vais faire un petit somme. » Alors il s’est tourné de