Page:Dostoievski - Les Pauvres Gens.djvu/288

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vous ne me prenez pas, je courrai jusqu’à épuisement de forces, jusqu’à ce que je perde le souffle. Mais savez-vous seulement ce qu’est l’endroit où vous allez, matotchka ? Vous ne le savez peut-être pas ; eh bien, je vais vous le dire ! C’est une steppe, ma chère, une steppe nue ; nue comme la paume de ma main ! Là habitent des paysannes insensibles, des moujiks incultes et ivrognes. Là, à présent, les arbres sont dépouillés de leurs feuilles, il pleut, il fait froid, — et vous allez là ! M. Buikoff, lui, aura là une occupation : il chassera le lièvre ; mais vous, qu’est-ce que vous ferez ? Vous voulez être propriétaire, matotchka ? Mais, mon petit chérubin ! Regardez-vous donc, est-ce que vous ressemblez à une propriétaire ?... Mais comment cela peut-il être, Varinka ! À qui donc adresserai-je des lettres, matotchka ? Oui, prenez cela en considération, matotchka, — dites-vous : « À qui donc écrira-t-il ? » Qui désormais appellerai-je matotchka ? À qui donnerai-je ce nom si doux ? Où vous retrouver encore, mon petit ange ? Je mourrai, Varinka, je mourrai, pour sûr ; mon cœur ne supportera pas un tel malheur ! Je vous aimais comme la lumière de Dieu, comme ma propre