Page:Dostoievski - Les Pauvres Gens.djvu/69

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gente, quoique folâtre et gamine ; elle avait alors treize ans. Anna Fédorovna fit observer à ma mère qu’il ne serait pas mauvais que je prisse aussi des leçons, puisque j’étais sortie de pension avant d’avoir terminé mes études. Ma mère y consentit très-volontiers ; et, pendant toute une année, j’étudiai avec Sacha sous la direction de Pokrovsky.

Ce dernier était un jeune homme pauvre, très-pauvre ; sa santé ne lui permettait pas de suivre régulièrement les cours de l’Université, et c’était seulement comme cela, par habitude, qu’on lui donnait chez nous le nom d’étudiant. Il vivait fort modestement, fort tranquillement ; de notre chambre on n’entendait jamais aucun bruit dans la sienne. Pokrovsky se distinguait par la singularité de son extérieur ; il était si gauche dans sa démarche et dans sa façon de saluer, si étrange dans son langage, qu’au commencement je ne pouvais le regarder sans rire. Sacha lui faisait toujours des niches, surtout pendant les leçons. De plus, il était d’un caractère irascible et s’emportait continuellement ; la moindre niaiserie le mettait hors de lui, il nous admonestait vertement, se plaignait de nous et souvent, sans