Page:Dostoievski - Les Pauvres Gens.djvu/82

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Mais quelle ne fut pas ma déconvenue, quand, rentrée dans notre logement, je m’aperçus, en ouvrant le livre, que c’était un vieux bouquin latin, à demi pourri et tout rongé aux vers ! Je retournai aussitôt chez Pokrovsky. À peine m’étais-je mise en devoir de replacer le livre sur le rayon que j’entendis dans le corridor un bruit de pas se dirigeant vers la chambre. Il n’y avait pas de temps à perdre, je commençai à me dépêcher. Mais la rangée d’où j’avais tiré le maudit bouquin était si compacte que, ce volume ôté, tous les autres avaient d’eux-mêmes comblé le vide, ne laissant plus de place pour leur ancien compagnon. J’eus beau faire, je ne parvins pas à réintégrer le livre à l’endroit où je l’avais pris. Pourtant je m’épuisais en efforts. Le clou rouillé qui assujettissait la tablette et qui, paraît-il, n’attendait que ce moment-là pour se casser — se cassa. Le rayon fit bascule par un bout. Les livres se répandirent avec fracas sur le parquet. La porte s’ouvrit, et Pokrovsky entra dans la chambre.

Chose à noter, il ne pouvait souffrir qu’on se donnât chez lui des airs de maître. Malheur à qui touchait à ses livres ! Jugez donc de ma frayeur quand je vis ces volumes de tous les