Page:Dostoievski - Les Pauvres Gens.djvu/95

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pour l’amour de moi, parce que j’étais une si belle demoiselle, mais que pour tout autre il n’y consentirait jamais. Il me manquait deux roubles et demi ! Mon chagrin était tel que pour un peu j’aurais pleuré. Mais, grâce à la circonstance la plus inattendue, je parvins à me tirer d’affaire.

Non loin de moi, devant un autre étalage de livres, j’aperçus le vieux Pokrovsky. Autour de lui s’étaient groupés quatre ou cinq bouquinistes qui le harcelaient, l’ahurissaient à qui mieux mieux. Chacun d’eux lui faisait l’article, et qu’est-ce qu’ils ne lui offraient pas ? qu’est-ce qu’il n’avait pas envie d’acheter ? Au milieu de ces marchands, le pauvre homme avait l’air complètement hébété et ne savait que choisir parmi tout ce qu’on l’invitait à prendre. Je m’approchai de lui et lui demandai ce qu’il faisait là. Le vieillard fut enchanté de me rencontrer ; il m’aimait à la folie, autant peut-être que son Pétinka. « Eh bien, vous voyez, je suis en train d’acheter des livres, Varvara Alexéievna, me répondit-il, j’achète des livres pour Pétinka. C’est bientôt son jour de naissance, et il aime les livres ; alors, voilà, j’en achète pour lui… » Le vieillard s’exprimait toujours d’une façon