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Page:Dostoievski - Niétotchka Nezvanova.djvu/111

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— Niétotchka, d’abord tu coucheras toujours avec moi. Tu aimes embrasser ? Nous nous embrasserons. Ensuite je ne veux pas que tu sois triste. Pourquoi es-tu toujours triste ? Tu me le raconteras, hein ?

— Je te raconterai tout. Mais maintenant je ne suis pas du tout triste. Je suis très gaie.

— Non, il faut que tu aies des joues rouges comme les miennes ! Ah ! que demain vienne plus vite ! As-tu sommeil, Niétotchka ?

— Non.

— Eh bien, alors, causons.

Nous bavardâmes encore deux heures. Dieu sait ce que nous avons dit. D’abord la petite princesse m’exposa tous ses plans d’avenir et la situation telle qu’elle était maintenant.

J’appris qu’elle aimait son père plus que tout, presque plus que moi. Ensuite nous décidâmes toutes deux que Mme Léotard était une brave femme, pas du tout sévère. Puis nous traçâmes notre programme pour le lendemain et le surlendemain, et en général nous arrangeâmes notre vie presque pour vingt ans. Catherine inventa ensuite que nous devions vivre de la façon suivante : un jour, ce serait elle qui commanderait et moi j’obéirais ; le lendemain ce serait le contraire : je commanderais et elle obéirait strictement.

Puis nous devions toutes deux commander et obéir également ; mais ensuite l’une de nous deux, exprès, n’obéirait pas ; alors, d’abord, nous nous fâcherions, comme ça, pour faire semblant, puis nous nous réconcilierions le plus vite possible. En un mot, un bonheur infini nous attendait. Enfin, à force de bavarder, nos yeux se fermaient de fatigue. Catherine se moquait de moi, m’appelant dormeuse, mais elle-même s’endormit avant moi. Le lendemain, aussitôt éveillées, nous nous embrassâmes vite, parce qu’on entrait dans notre chambre ; j’avais juste le temps de me sauver dans mon lit.

Toute la journée nous ne savions que faire à force de joie.

Nous nous cachions de tous, nous fuyions tout le monde, craignant les indiscrets. Enfin je commençai à raconter mon histoire à Catherine. Elle fut bouleversée jusqu’aux larmes par mes récits.

— Méchante ! pourquoi ne m’as-tu pas raconté tout cela