Aller au contenu

Page:Dostoievski - Niétotchka Nezvanova.djvu/21

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mon beau-père apporta le violon, mais commença par demander de l’eau-de-vie, déclarant que sans cela il ne pourrait pas jouer. On envoya chercher de l’eau-de-vie. Il but et devint de joyeuse humeur.

— « Par amitié pour toi, je te jouerai quelque chose de ma composition, dit-il à B… ; et il exhuma de la commode un gros cahier tout couvert de poussière.

« Voilà, tout cela, c’est de moi ! dit-il en montrant le cahier. Tu verras ; c’est autre chose que vos ballets ! »

B… feuilleta en silence quelques pages. Ensuite il prit la musique qu’il avait avec lui et demanda à mon beau-père de laisser de côté ses propres compositions et de jouer quelque-chose qu’il avait apporté.

Mon beau-père se montra un peu offensé. Cependant craignant de perdre cette nouvelle occasion, il fit ce que lui demandait B… Celui-ci constata alors que son ancien camarade avait en effet beaucoup travaillé et fait des progrès depuis leur séparation, bien qu’il se vantât de n’avoir pas touché son violon depuis son mariage. Il fallait voir la joie de ma pauvre mère. Elle regardait son mari ; elle était de nouveau fière de lui. Le bon B…, très sincèrement heureux de cela, promit de procurer du travail à mon beau-père.

À cette époque, B… avait déjà de grandes relations, et il se mit immédiatement à recommander son pauvre camarade, auquel il fit donner sa parole d’honneur qu’il se conduirait bien. En attendant, il lui acheta des vêtements neufs et le présenta à quelques personnages connus desquels dépendait l’emploi qu’il désirait obtenir pour lui. Efimov faisait bien un peu le fier en paroles, mais ce fut avec la plus grande joie qu’il accepta la proposition de son vieil ami. B… racontait plus tard qu’il avait eu honte de l’obséquiosité et de l’humilité avec lesquelles mon beau-père essayait de l’attendrir, craignant de perdre ses bonnes grâces. Efimov, comprenant qu’on cherchait à le ramener dans la bonne voie, cessa même de boire. Enfin on lui trouva une place dans l’orchestre d’un théâtre. Il subit brillamment les épreuves, et en un mois d’application et de travail il avait recouvré tout ce qu’il avait perdu en dix-huit mois d’inaction. Il promit à l’avenir de travailler et d’être exact dans ses nouvelles fonctions.

Mais la situation de notre famille ne s’améliora aucune-