Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/386

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avec tant de tristesse et en des termes si heureusement choisis !

— Je te le disais que c’est un homme distingué, Serge… Mais, pourquoi l’as-tu laissé partir, puisque je te l’avais confié ? ah ! mon Dieu ! Ah ! mon Dieu !

— Par sensibilité. Il m’avait prié de ne rien dire. Son cocher avait donné à manger aux chevaux et les avait attelés. Quant à la somme que vous lui avez prêtée il y a trois jours, il m’a ordonné de vous en remercier respectueusement et de vous dire qu’il vous l’enverrait par un des prochains courriers.

— Quelle somme, mon oncle ?

— Il a parlé de vingt-cinq roubles, fit Vidopliassov.

— C’est, mon cher, de l’argent que je lui avais prêté l’autre fois à la station où nous nous étions rencontrés. Il était sorti sans argent. Naturellement, il me l’enverra par le premier courrier… Mon Dieu ! que je regrette son départ ! Si j’envoyais courir après lui, Sérioja ?

— Non, mon cher oncle, ne le faites pas.

— Je suis de ton avis. Vois-tu, Sérioja, je ne suis pas un philosophe, mais je crois que tout homme est beaucoup meilleur qu’il ne le paraît.