Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/45

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— Que de monde ! que de monde ! et bien sûr que personne de ces gens-là n’a bu ! dit-il d’un ton triste et lent, hochant la tête avec un air de contrition. Bien le bonjour, frérots. Je vous souhaite une heureuse matinée !

— Matinée ! mais tu ne vois donc pas que nous sommes après-midi, espèce de fou ?

— Ah ! tu m’en diras tant !

— Hé ! hé ! hé ! Quel farceur ! s’écria encore le gros monsieur, en me regardant avec affabilité et tout secoué de rire. Tu n’as pas honte, Vassiliev ?

— C’est le malheur qui me fait boire, Monsieur, répondit le sombre Vassiliev, évidemment enchanté de pouvoir parler de son malheur.

— Quel malheur, imbécile ?

— Un malheur comme on n’en a jamais vu. Nous voilà sous les ordres de Foma Fomitch !

— Qui ? Depuis quand ? s’exclama le gros homme avec animation, pendant que, très intéressé, je faisais un pas en avant.

— Mais tous ceux de Kapitonovka. Notre seigneur le colonel (que Dieu le garde en bonne santé !) veut faire présent de Kapitonovka, qui lui appartient, à Foma Fomitch ; il lui donne soixante-dix âmes. « C’est pour toi, Foma, a-t-il dit. Tu ne