Aller au contenu

Page:Dottin - Louis Eunius.pdf/36

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
26
PÉREZ DE MONTALVAN.

yeux baissés vers ses pieds, pour ne point voir les monstres qui l’appelaient et lui montraient les supplices qui l’attendaient, Louis résolut de passer outre, à la garde de Dieu. Le pont était glissant, fait en bascule, sans aucun garde-fou, et battu d’un vent impétueux. Pour lui donner quelque idée de ce à quoi il s’exposait, les démons ordonnèrent que quelqu’un passât le pont avant Louis. A peine le malheureux eut-il été précipité dans le fleuve qu’il fut frappé à coups de hache embrasée, qu’on lui arracha un bras, qu’il fut plongé dans une chaudière bouillante et lancé comme une pelote d’un démon à l’autre. Sans se laisser effrayer par cet horrible spectacle, Louis fit plusieurs fois le signe de la croix et se mit en marche ; Dieu l’aida en ce danger ; à chaque pas le pont s’élargissait sans que le vent le renversât ni que les pieds lui tournassent. Les démons tentèrent en vain de le pousser et de le précipiter dans l’abîme ; à l’invocation du nom de Jésus, ils disparurent avec des cris et des hurlements épouvantables.

Louis (ch. IX, fo 103 vo-118 ro) se trouva alors dans une belle vallée pleine de fleurs. Au milieu de ces agréables jardins s’élevait une maison d’une grandeur étonnante dont la porte était d’or très fin, rehaussé de pierres précieuses aussi brillantes que le soleil. Comme Louis s’approchait et n’était plus qu’à un mille de distance, la porte s’ouvrit et il s’en exhala une odeur plus suave que tous les parfums et les aromates du monde.

Lorsque Louis se fut approché davantage, une procession bien réglée en sortit. Après des enseignes d’or, des torches de cire blanche, venaient un nombre infini de gens de tout état et de toute condition : enfants, femmes, mariés, célibataires, religieuses, demoiselles, religieux[1], prêtres, évêques, archevêques, cardinaux, rois et pontifes, portant chacun la marque de sa dignité et de sa condition sur une petite tunique de toile d’argent ; au milieu était un chœur d’anges, les uns tenant des papiers de musique, d’autres des instruments variés, et ils formaient un concert divin ; après trois chants en l’honneur de Dieu et de sa Mère bénie, s’adressant à Louis, ils l’emmenèrent au milieu d’eux, et deux archevêques s’avancèrent pour l’accueillir et l’embrasser. A peine furent-ils entrés par la porte par où ils étaient sortis que Louis se sentit plein de joie ; autour de lui, tout était rempli d’une lumière glorieuse. Tous les êtres qu’il voyait vivaient dans une union complète de volontés. L’un des deux archevêques, qui était saint Patrice, le prit par la main et lui montra plusieurs saints et saintes auxquels il avait eu une dévotion particulière et aussi quelques-uns de ses proches, puis il lui dit qu’il était arrivé au séjour des

  1. Hommes, femmes, enfants, mariés, non mariés, dames, demoiselles, religieux, religieuses (Boüillon).