Page:Doublet - Élégies, 1559.djvu/59

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Quand ieunes ans fuiront amours & armes,
Lors Arioſte chantera bien peu,
LoEt quand amans viuront ſans larmes,
LoPetrarque ſera mis au feu.
Tant que ſoit Grece & d’Ilion la place,
Tant en ce monde Homere demourra,
TaQuand troupeaus paitront ſur la glace,
TaL’Arétuzain berger mourra.
Quand nous verrons d’Amour la trouſſe vide,
Et de ſa mère eſteint l’ardant flambeau,
EtLes couples onze-piés d’Ouide
EtNe ſembleront plus rien de beau.
Les marbres donc, & d’acier dures l’ames,
Trouuent leur fin : le tems les ronge & mord :
TrMais nos liures ont quelques ames
TrQui les exentent de la Mort.
Ce peuple vil les choſes viles ſuiue,
Seul ſes honneurs, ſeul tienne bien ſon or :
SePourueu qu’à iamais reſte viue
SeDe moi tant bonne part encor.
Il me ſufit que mainte vierge mure,
Me chante vn iour à ſon raui brument,
MeEt maint garçon, parauenture,
MeVienne ici lire ſon tourment.
Sur les viuans, ſans plus, broute l’enuie,
Et les defuns plus ne deigne aſſaillir.
EtApres donq cete courte vie
EtNoſtre honneur ne nous peut faillir.