D’honneur paiſt les ambitieus.
Mais quant à moy, ni ſes dignités vaines,
Ne m’ont charmé, ni ſon venteus orgueil,
Ni ſes loin étendus dommaines,
Ni de ſes écus le recueil.
Mon ame, ô Dieu, ne ſ’eſt point détournée,
Pour rien tant vil, du train de ſon ſalut :
Autre choſe trop mieus ornée,
À me ſeduire, helas, valut.
Vne beauté, chef d’euure de nature,
Tu le ſais bien, au monde me lia :
Et là ma poure ame en torture
Son dieu & ſoi méme oublia.
Choſe ſi rare & perfection telle
Portoit plutot du ciel vn ſouuenir,
Eſtant, d’elle en autre, vne échelle,
Pour iuſqu’aus ſources paruenir.
Et, à vrai dire, ainſi ſa méme bouche
Le me chantoit, mais par ieuneſſe, lors,
Mon eſprit encore farouche
N’entendoit qu’à ce terreus cors.
Qu’euſsé-ie fait ? des l’œillade premiere,
Vn ſang ardant mes feneſtres perça,
Et tout mon bon ſens en arriere,
Sous le blanc palefroi verſa.
Délors, mon Dieu, ſi quelque reſte encore
Me demeuroit, de tant peu de ſauoir
Page:Doublet - Élégies, 1559.djvu/31
Apparence
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.