Page:Doucet - Campagnards de la Noraye (d'après nature), 1918.djvu/7

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homme de gros bon sens et maître de soi, il était sans qualités typiques.

Les trois voisins que je décris dans cette plaquette résument en quelque sorte toute une classe de bons paysans dont l’unique ambition est, ou était d’élever honnêtement leur famille, et cette unique entreprise leur a réussi ; donc ils ont été et ils sont aussi considérables que des rois, si ce n’est qu’ils ne m’ont pas laissé de quoi payer l’impression de leur biographie, mais qu’à cela ne tienne, je m’en charge et je dois un fort pourboire à leur mémoire, puisque leur souvenir m’a réjoui.

Le hasard, n’y eut-il que le hasard, en tous cas je suppose que le hasard les avait placés voisins sur trois terres du rang de Saint-Henri de Lanoraie, les tribulations de la vie les a faits se considérer comme des frères ; ces gens s’aimaient sans se le dire, mais leurs actes parlaient pour eux. Les mots qui exprimaient leurs sentiments les plus intimes, les choses du cœur, n’arrivaient pas facilement à leurs lèvres inhabiles aux phrases jolies, bien qu’ils exprimassent avec franchise leur pensée sur tout autre sujet.

Il faut des mots rudes et simples pour exprimer ce qui est conçu dans un cerveau constamment éloigné de l’instruction.

C’est ce dont j’ai voulu informer le lecteur, lui dire que mes phrases, apparemment sans application, ne devraient pas le surprendre, et qu’il devrait se reporter au milieu et au temps où elles furent prononcées pour se satisfaire des couleurs locales.