Page:Doumic - La Poésie lyrique en France au dix-neuvième siècle, 1898.djvu/106

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ses plus belles pièces du début. Eh bien, grâce, d’une part, à l’exil, d’autre part, au courant nouveau qui pénétrait alors la poésie, Victor Hugo va pouvoir nous donner une œuvre que depuis longtemps attendait la poésie française, dans laquelle elle avait toujours échoué et dont elle commençait à désespérer : je veux dire une œuvre épique.

La poésie épique, la France, depuis le XVIe siècle, essayait de la retrouver. Au XVIe siècle, c’était Ronsard qui écrivait sa Franciade, un poème ennuyeux s’il en fut. Au XVIIe siècle, Chapelain écrivait la Pucelle, et il était, vous le savez, un très grand poète, tant que son poème n’était pas encore publié ; mais, du jour qu’il était publié, il ne fut plus qu’un poète très ridicule. Au XVIIIe siècle, c’est Voltaire qui écrit la Henriade, et certainement, Voltaire, qui avait d’autres qualités, manquait par excellence des qualités épiques. Si quelqu’un n’a pas eu la tête épique, c’est certainement Voltaire. Au début du XIXe siècle. Chateaubriand écrit les Martyrs ; et les Martyrs ont toutes sortes de qualités épiques ; par malheur, les Martyrs sont écrits en prose.

Et quelle était la raison qui faisait qu’on avait toujours échoué jusque-là ? Il y en avait peut-être d’autres, mais une de ces raisons était celle-ci : c’est qu’on s’était obstiné à faire un poème en douze ou en vingt-quatre chants, se suivant, avec invocation au début et conclusion à la fin, en continuant de suivre les exemples d’Homère ou de Virgile. Victor Hugo eut une idée de génie. Ce fut, au lieu de nous donner un poème se suivant du