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les apprentis de l’armurier

Elle fouetta vigoureusement Borak qui tira péniblement, et, cahin-caha, le chariot disparut dans la nuit.

Gaultier fut longtemps entre la vie et la mort. Le sang perdu, les coups reçus, l’humiliation éprouvée, avaient déterminé une fièvre violente, à laquelle succéda ensuite une longue prostration qui le clouait sur sa couche sans regard et sans voix.

Madja le soigna avec une intelligence et un dévouement qui, heureusement, furent couronnés de succès, et quand, après avoir traversé la Champagne, ils arrivèrent en Bourgogne et s’arrêtèrent à Dampierre-sur-Vingeanne, le pauvre enfant était sauvé.

Mais ses forces épuisées le laissaient dans un profond abattement physique et moral : il était incapable de vouloir et même de penser. Son regard vague errait autour de lui sans s’intéresser à rien, et il ne reconnaissait pas plus la Bohémienne que le vieux corbeau qui, penché à son chevet, le contemplait de son œil noir en lissant ses plumes.

La vieille détela Borak et, le laissant paître à côté de la charrette, se dirigea vers le château féodal aux murailles crénelées, aux tours si hautes, si hautes, que le veilleur y apparaissait gros comme un moineau ; aux larges fossés, à la herse menaçante, au pont-levis soutenu par de lourdes chaînes, prêtes à le relever à la moindre alerte. En tout autre temps l’aspect de cette forteresse eût séduit l’imagination chevaleresque de Gaultier.

Madja, son corbeau sur l’épaule, se présenta devant le corps de garde.

— La charité, mes bons seigneurs, dit-elle humblement. Je vous dirai la bonne aventure et Mika vous divertira de son mieux.