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Page:Dourliac - Les apprentis de l'armurier, 1895.djvu/138

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les apprentis de l’armurier

— Bien parlé ! jeune homme, s’écria le comte, je reconnais là le sang de mon brave Dampierre.

Mais la châtelaine fut grandement courroucée de l’audace du damoiseau, et refusa durement d’accéder à sa demande. D’ailleurs il dépendait de son frère et seigneur et ne devait pas avoir de volonté.

Elle était touchée de la bienveillance du sire comte ; mais Pierre était plus digne de l’honneur qu’il daignait faire à sa maison.

Baudouin, froissé de son refus, accueillit fort mal cette ouverture, et, prenant affectueusement congé de Guillaume atterré, à qui la jeune comtesse donna sa main à baiser, il salua froidement l’altière grande dame et s’éloigna avec sa suite.

À partir de cette visite, lumineux éclair dans sa nuit sombre, la vie si triste de Guillaume devint plus triste encore.

On lui fit cruellement expier la faveur passagère du comte ; on l’abreuva d’humiliations, de sarcasmes, et, comme il ne pouvait se résoudre à prononcer ses vœux, son frère l’accusa de trahison et félonie envers lui, lui reprochant de conspirer avec ses vassaux mécontents pour s’emparer de sa personne et de ses biens. Refusant même d’écouter sa justification, il le chassa de ses terres, lui défendant d’y jamais rentrer.

Sa mère le regarda s’éloigner d’un œil sec, sans un mot d’adieu, un geste de pitié.

En passant devant le banc de pierre où, depuis tant d’années, les seigneurs de Dampierre rendaient leurs arrêts, le banni s’arrêta un instant.

— J’en appelle de la justice des vivants à celle des morts, dit-il simplement… Et les ancêtres invoqués avaient prononcé d’une façon terrible en condamnant l’aîné et sa postérité.