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L’Arabie, vaste plateau presque entouré de mers et pays mi-peuplé, mi-désert, comptait alors 10,000,000 d’habitants. Cette antique patrie d’un des plus vieux peuples du monde n’avait jamais été conquise. — Sa population se composait d’idolâtres de diverses espèces, de chrétiens de sectes variées, de juifs, de sabéens, etc. ; l’idolâtrie prévalait et le grand temple de la Mecque, capitale du pays, était entouré et rempli d’idoles. À toutes ces religions si discordantes, à des liens politiques très relâchés, Mahomet conçut l’audacieux projet de substituer une puissante nationalité et le dogme d’un Dieu unique, indivisible, dont il se dirait le prophète. Cette affirmation le séparait des chrétiens trinitaires et de tous les idolâtres ; il s’écartait moins des juifs : les arabes, d’ailleurs, se disant comme eux fils d’Abraham, mais par Ismaël. Mahomet acceptait donc tous les prophètes des Hébreux, et se donnait comme le plus grand de ces hommes inspirés, et comme closant leur série. Il acceptait aussi Jésus comme prophète, non comme fils de Dieu ; aussi chrétiens et juifs refusèrent-ils également de reconnaître sa mission : les uns parce qu’il restait étranger au dogme de la Trinité, tes autres parce qu’il était étranger à leur nation et qu’ils n’espéraient rien de lui.

Mahomet avait 41 ans lorsque, après s’être longuement préparé au rôle qu’il allait jouer, il se mit à l’œuvre ; il fit d’abord quelques prosélites dans sa famille, et longtemps il essaya de réussir par la prédication, imitant en cela le Christ, dont il était si loin de posséder la mansuétude, la pureté, la moralité parfaite, la philosophie sublime ! — Il reconnut enfin qu’il lui fallait employer d’autres moyens. — Le 10 juillet 622, persécuté par les Koraïchites, couvert de ridicule, menacé de mort, il s’enfuit de la Mecque et se réfugia à Médine, ville voisine ; — alors commença l’Ère musulmane, l’Hégyre (de Hiedjra, fuite). Déjà le prophète avait de nombreux partisans ; il les appela autour de lui, leva le masque, et à la prédication pacifique, il substitua celle par le sabre — Elle lui réussit infiniment mieux ! — cependant il éprouva d’abord de rudes échecs, malgré les talents militaires dont il fit preuve, et