Page:Doyle - Du mystérieux au tragique.djvu/43

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quand le professeur lui présenta la collection qu’il avait si longtemps entourée d’un tendre zèle. La fille du professeur, qui était une fort jolie personne, prit part à cette visite, accompagnée d’un homme jeune, le capitaine Wilson, que je compris qu’elle allait bientôt épouser. Le musée contenait quinze salles, dont les plus belles étaient la babylonienne et la syrienne, sans compter le hall central, réservé aux collections égyptienne et juive. Calme, sec, glabre, portant les marques de l’âge, le professeur Andréas affectait l’impassibilité ; mais ses yeux noirs s’allumaient, ses traits s’avivaient d’enthousiasme tandis qu’il célébrait pour nous la beauté et la rareté de certaines pièces de sa collection. Sa main s’attardait affectueusement sur elles. On sentait l’orgueil qu’il en avait et son chagrin profond de s’en dessaisir aux mains d’un autre.

Il nous avait montré successivement ses momies, ses papyrus, ses inscriptions, ses reliques juives, sa réplique du fameux chandelier à sept branches enlevé du temple par Titus, puis transporté par lui à Rome, et, que d’aucuns, aujourd’hui, supposent immergé au fond du Tibre. Alors, il s’approcha d’une vitrine placée au milieu même du hall, et, se penchant avec respect sur la glace :

— Ceci, dit-il, n’a rien de nouveau pour un expert comme vous, Monsieur Mortimer ; du moins, j’ose croire que votre ami Monsieur Jackson y trouvera quelque intérêt.

Je m’inclinai à mon tour et vis un objet de quelque cinq centimètres carrés, qui consistait en un cadre d’or, muni de crochets d’or à deux angles, et orné de douze pierres précieuses. Ces pierres étaient toutes d’espèces et de couleurs différentes, mais de grosseurs égales. Par leur forme, leur disposition, la graduation de leurs tons, elles faisaient songer à une boîte d’aquarelliste. Chacune portait en creux une inscription hiéroglyphique.

— Avez-vous entendu parler de l’urim et thummim, Monsieur Jackson ?

Je connaissais le terme, mais le sens m’en était des plus vagues.

— Urim et Thummin, c’était le nom donné au pectoral enrichi de pierres que portait le grand prêtre des Juifs. Il inspirait un sentiment de vénération très spécial, quelque chose d’analogue au sentiment des anciens Romains pour les livres sibyllins du Capitole. Il y a là, comme vous voyez, douze magnifiques pierres, portant gravés des caractères mystiques. Ce sont, en partant de l’angle supérieur à gauche : une cornaline, un péridot, une émeraude, un rubis, un lapis-lazuli, un onyx, un saphir, une agate, une améthyste, une topaze, un béryl et un jaspe.

J’admirai la beauté et la variété des pierres.

— Ce pectoral a-t-il une histoire ? demandai-je.

— Il est d’une très haute antiquité et d’une immense valeur, répliqua le professeur Andréas. À défaut d’une certitude, nous avons force raisons de croire qu’il pourrait être l’urim et thummim original du Temple de Salomon. Il n’existe certainement rien de tel dans aucune collection d’Europe. Mon ami le capitaine Wilson, que voici, a une connaissance approfondie des pierres précieuses : il pourrait vous dire à quel point celles-ci sont pures.

Le capitaine Wilson, brun, le visage dur et incisif, se tenait à côté de sa fiancée de l’autre côté de la vitrine.