Page:Doyle - Du mystérieux au tragique.djvu/47

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— Probablement, de prendre les pierres ; mais il aura été dérangé dans sa besogne.

— On s’attendrait, dans cette hypothèse, à ce qu’il eût essayé de les prendre une à une ; or, la monture de chacune a été desserrée, et pourtant il ne manque pas une pierre.

— Cela est sans contredit extraordinaire, fit l’inspecteur. Je ne me rappelle rien de semblable. Voyons le gardien.

On appela le gardien, un homme à physionomie de brave homme et de vieux militaire, qui semblait prendre à l’incident autant d’intérêt que Mortimer lui-même.

— Non, Monsieur, je n’ai pas entendu le moindre bruit, répondit-il aux questions de l’inspecteur. J’ai fait quatre fois ma ronde sans rien remarquer de suspect. Voilà dix ans que j’occupe ma place, et c’est bien la première fois que je vois se produire une chose pareille.

— Un voleur n’aurait pu s’introduire par les fenêtres ?

— Impossible, Monsieur.

— Ou par la porte, en passant devant votre loge ?

— Pas davantage.

— Le Musée a d’autres ouvertures ?

— Il y a la porte des appartements privés de Monsieur Mortimer.

— Je la ferme la nuit, expliqua mon ami ; et, pour y arriver, il faudrait d’abord ouvrir la porte extérieure.

— Vos domestiques ?

— Ils logent à l’écart.

— En vérité, fit l’inspecteur, tout cela est très obscur. Pourtant, il n’y a pas de préjudice réel, si j’en crois Monsieur Purvis.

— Je puis jurer que ces pierres sont authentiques.

— De sorte que le cas se réduit à un acte de malveillance. Néanmoins, j’aimerais faire très attentivement le tour des locaux et voir si quelque indice ne nous mettrait pas sur la piste de notre visiteur.

Les recherches de l’inspecteur prirent toute la matinée. Diligentes et intelligentes, elles n’eurent d’autre résultat que de nous rappeler deux ouvertures auxquelles nous n’avions pas songé : l’une donnait de la cave sur la galerie par une trappe ; l’autre, qui était la lucarne d’un débarras, plongeait dans la salle même où avait passé l’intrus. Comme d’ailleurs on ne pouvait s’introduire ni dans ce cabinet ni dans la cave qu’après avoir pénétré dans l’édifice, la découverte n’offrait aucun intérêt pratique. Puis, la poussière de la cave et des combles témoignait que le visiteur n’avait usé ni de l’un ni de l’autre passage. Et nous finîmes comme nous avions commencé, sans soupçonner le moins du monde comment, pourquoi et par qui une tentative avait été exercée contre les quatre pierres.

Restait pour Mortimer un parti à prendre, et il le prit. Laissant la police continuer ses infructueuses recherches, il me pria de l’accompagner dans l’après-midi chez le professeur Andréas. Il entendait en effet déclarer franchement au professeur qu’il le tenait pour l’auteur de l’avertissement anonyme, et l’inviter à s’expliquer sur le fait d’une prévision si exacte. Le professeur habitait une petite villa d’Upper Norwood ; mais il était absent, à ce que nous apprit sa domestique, qui, voyant notre désappointement, nous demanda s’il nous plaisait de voir Miss Andréas, et nous fit entrer dans le modeste salon.

J’ai dit que la fille du professeur Andréas était une fort jolie personne. Blonde, élancée, gracieuse, elle avait