Page:Doyle - Du mystérieux au tragique.djvu/79

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homme aussi sensible devait avoir l’horreur du scandale, et me rendis compte que pour qu’il se livrât entièrement à moi, il lui faudrait n’avoir plus d’autre ressource. Je devais m’en remettre à mes yeux et à mes oreilles du soin de percer le mystère ; mais je savais avec certitude ne pas compter vainement sur eux.

Cinq bons milles séparent Delamere Court de la gare de Pangbourne. Nous fîmes le trajet en voiture découverte. Lord Linchmere demeura tout le temps absorbé dans ses pensées. Il n’ouvrit la bouche qu’au moment où nous touchions presque à destination, et ce fut pour me donner un renseignement qui m’étonna.

— Peut-être ne savez-vous pas, me dit-il, que je suis médecin comme vous ?

— En effet, vous me l’apprenez, Monsieur.

— Oui, j’ai suivi les cours dans ma jeunesse, alors qu’entre la pairie et moi il y avait la place de plusieurs existences. Je n’ai pas eu l’occasion de pratiquer ; mais, tout de même, j’ai trouvé quelque utilité à cette éducation scientifique ; et je n’ai jamais regretté les années consacrées à l’étude de la médecine. Voici les portes de Delamere Court.

Nous étions arrivés devant deux hauts piliers couronnés de monstres héraldiques et flanquant l’entrée d’une avenue sinueuse. Par-dessus les buissons de lauriers et de rhododendrons, je pouvais apercevoir une longue maison à pignons multiples, ceinte de lierre, et qui avait pris le ton chaud, harmonieux et gai des vieilles briques. Mes yeux restaient fixés sur cette délicieuse demeure, quand mon compagnon me tira nerveusement par la manche.