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Page:Doyle - Jim Harrison, Boxeur, trad Savine, 1910.djvu/222

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jim harrison, boxeur

Il était aisé à voir que c’était un homme vif, irascible, emporté, car il parlait de ses griefs d’un ton de colère qui rougissait ses joues piquées de taches de rousseur.

— Nous ne ferons rien de bon sur l’Océan, tant que nous n’aurons pas pendu les entrepreneurs des chantiers de la marine. Je voudrais avoir un cadavre d’entrepreneur comme figure de poupe à chaque navire de première classe de la flotte, et à chaque frégate, il y aurait un fournisseur d’approvisionnements. Je les connais bien avec leurs pièces à la glu, leurs rivets du diable. Ils risquent cinq cents existences pour économiser quelques livres de cuivre. Qu’est-il advenu de la Chance ? Et de l’Oreste et du Martin ? Ils ont coulé en pleine mer et nous n’en avons jamais reçu de nouvelles. Je puis donc dire que leurs équipages ont été massacrés.

Il parait que Lord Cochrane exprimait l’opinion de tous, car un murmure d’approbation, mêlé de jurons lancés avec conviction par des marins au long cours, se fit entendre dans tout le cercle.

— Ces coquins de l’autre côté de l’eau savent mieux s’y prendre, dit un capitaine borgne qui avait à la boutonnière le ruban bleu et blanc du combat de Saint-Vincent. C’est bel et bien sa tête que l’on risque à commettre de pareilles sottises. A-t-on jamais vu sortir de Toulon un vaisseau dans l’état où était ma frégate de trente-huit canons, au sortir de Plymouth, l’an dernier ? Ses mâts avaient tant de jeu que d’un côté ses voiles étaient raides comme des barres de fer, tandis que de l’autre elles pendaient en festons. Le moindre sloop, qui ait jamais quitté un port de France, aurait pu la gagner de vitesse, et ensuite ce serait moi et non pas ce bousilleur de Devonport que l’on aurait fait comparaître devant une cour martiale.