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Page:Doyle - Jim Harrison, Boxeur, trad Savine, 1910.djvu/235

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jim harrison, boxeur

Et elle toucha sa robe de ses doigts blancs couverts de bagues, comme pour attirer notre attention sur ce fait qu’elle était en complet costume de deuil.

— J’ai entendu parler de la triste perte qu’avait éprouvée Votre Seigneurie, dit mon père.

— Nous sommes morts ensemble, s’écria-t-elle. Que peut être désormais mon existence, sinon une mort lentement prolongée ?

Elle parlait d’une belle et riche voix qu’agitait le frémissement le plus douloureux, mais je ne pus m’empêcher de reconnaître qu’elle avait l’air de la personne la plus robuste que j’eusse jamais vue et je fus surpris de voir qu’elle me lançait de petites œillades interrogatives comme si elle prenait quelque plaisir à se voir admirer, fût-ce par un individu aussi insignifiant que moi.

Mon père, en son rude langage de marin, tâchait de balbutier quelques banales paroles de condoléances, mais ses yeux se détournaient de cette figure revêche, hâlée, pour épier quel effet elle avait produit sur moi.

— Voici son portrait, à cet ange tutélaire de cette demeure, s’écria-t-elle en montrant d’un geste grandiose, large, un portrait suspendu au mur et représentant un gentleman à la figure très maigre, au nez proéminent et qui avait plusieurs décorations à son habit.

Mais c’est assez parler de mes chagrins personnels, dit-elle en essuyant sur ses yeux d’invisibles larmes. Vous êtes venus voir Lord Nelson. Il m’a chargée de vous dire qu’il serait ici dans un instant. Vous avez sans doute appris que les hostilités vont reprendre ?

— Nous avons appris cette nouvelle hier soir.

— Lord Nelson a reçu l’ordre de prendre le commandement de la flotte de la Méditerranée. — Vous