Page:Doyle - Jim Harrison, Boxeur, trad Savine, 1910.djvu/45

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un père pour tout le monde, à l’exception de Mr Jefferson, le curé de Friar’s Oak.

C’était M. Rudin, le réfugié royaliste français qui demeurait plus haut, sur la route de Pangdean, et qui en apprenant la nouvelle d’une victoire, avait des convulsions de joie parce que nous avions battu Bonaparte et des crises de rage parce que nous avions battu les Français, de sorte qu’après la bataille du Nil, il passa tout un jour dehors, pour donner libre cours à son plaisir, et tout un autre jour dedans, pour exhaler tout à son aise sa furie, tantôt battant des mains, tantôt trépignant.

Je me rappelle très bien sa personne grêle et droite, la façon délibérée dont il faisait tournoyer sa petite canne.

Ni le froid ni la faim n’étaient de force à l’abattre, et pourtant nous savions qu’il avait lié connaissance avec l’une et l’autre. Mais il était si fier, si grandiloquent dans ses discours, que personne n’eut osé lui offrir ni un repas, ni un manteau.

Je revois encore sa figure se couvrir d’une tache de rougeur sur chacune de ses pommettes osseuses, quand le boucher lui faisait présent de quelques côtes de bœuf.

Il ne pouvait faire autrement que d’accepter.

Et pourtant, tout en se dandinant et jetant par-dessus l’épaule un coup d’œil au boucher, il disait :

— Monsieur, j’ai un chien.

Ce qui n’empêchait pas que pendant la semaine suivante, c’était M. Rudin et non son chien qui paraissait s’être arrondi.

Je me rappelle ensuite M. Paterson, le fermier.

N’était-ce ce que vous appelleriez aujourd’hui un radical ? mais en ce temps-là, certains le traitaient de