— Me voilà tout à fait remis à présent, grâce à mon excellent souper et au repos d’une bonne nuit, reprit-il. Ah ! c’est la faim qui ôte à l’homme toute énergie. Cela d’abord, le froid ensuite.
— Oui, c’est vrai, dit mon père, je me suis trouvé sur la lande dans une tempête de neige pendant trente-six heures, et je sais ce que c’est.
— J’ai vu jadis mourir de faim trois mille hommes, dit de Lapp en approchant ses mains du feu. De jour en jour ils maigrissaient et devenaient plus semblables à des singes, et ils venaient presque sur les bords des pontons où nous les gardions ; ils hurlaient de rage et de douleur.
Les premiers jours, leurs hurlements s’entendaient dans toute la ville, mais au bout d’une semaine, nos sentinelles de la rive les entendaient à peine, tant ils s’étaient affaiblis.
— Et ils moururent ? m’écriai-je.
— Ils résistèrent pendant très longtemps. C’étaient des grenadiers autrichiens du corps de Starowitz, de grands beaux hommes, aussi