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LA NOUVELLE CHRONIQUE


VIII

L’EXPLOIT FINAL


Neuf heures du soir, le 2 août — le deuxième jour du plus terrible mois d’août qu’ait vu l’histoire du monde. Déjà la malédiction divine semblait s’appesantir sur une terre dégénérée, une sorte de paix effrayante, mêlée à un sentiment de vague expectative, régnait dans l’air suffocant et immobile. Le soleil s’était depuis longtemps couché ; mais une entaille rouge traversait le bas du ciel à l’Ouest, comme une blessure saignante. Au-dessus, les étoiles brillaient d’un vif éclat ; au-dessous, les feux des navires tremblotaient dans la baie. Les deux fameux Allemands se tenaient debout contre le parapet du jardin, derrière eux s’allongeait la maison trapue, au lourd pignon, et ils contemplaient la vaste étendue de grève au pied de la falaise crayeuse où von Bork était venu, quatre ans auparavant, jucher son aire. Leurs têtes se touchaient presque, et ils se parlaient à mi-voix, d’un ton de confidence. Qui aurait vu d’en bas les pointes embrasées de leurs cigarettes les eût prises pour les yeux de quelque esprit malin aux aguets dans les ténèbres.

Un homme remarquable que ce von Bork ; on n’eût pas trouvé son pareil entre tous les agents du Kaiser. Ses talents, qui l’avaient d’emblée recommandé pour une mission en Angleterre, n’avaient cessé de devenir