Page:Doyle - Le Monde perdu.djvu/130

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sein. Nous pûmes, en nous penchant au dehors, nous rendre compte que son peu de hauteur au-dessus du sol nous rendrait la descente facile. Qu’elle nous eût échappé d’en bas, il n’y avait à cela rien d’étonnant l’évasement de la falaise dans sa partie supérieure décourageait toute idée d’ascension à cet endroit et, par là même, tout inspection attentive. Nous nous assurâmes qu’avec notre corde nous avions de quoi descendre jusqu’au sol, puis nous nous en revînmes, heureux, faire nos préparatifs pour le soir du lendemain.

Nous avions à les faire vite et secrètement, dans la crainte qu’à la dernière heure les Indiens ne cherchassent à nous retenir. Nous abandonnerions nos provisions, pour n’emporter que nos fusils et nos cartouches. Mais Challenger avait un objet très encombrant dont il désirait ne pas se séparer, et un colis spécial dont je ne puis rien dire, sinon qu’il nous donna plus de tintoin que tout le reste. Le jour passa lentement ; quand le soir vint, il nous trouva prêts au départ. Nous eûmes bien du mal à hisser nos affaires jusqu’en haut de l’escalier. Là, nous retournant, nous donnâmes un dernier coup d’œil à cette terre étrange qui, je le crains, ne tardera pas à se banaliser, à devenir la proie du chasseur et du prospecteur, mais qui restera pour nous une terre de rêve, enchantée, romanesque, où nous avons beaucoup souffert, beaucoup appris : notre terre, ainsi que toujours nous l’appellerons avec tendresse. Les feux des cavernes voisines égayaient l’ombre sur notre droite. Le long des pentes que nous dominions, les voix des Indiens montaient dans les chansons et les rires. Par delà s’étendait la masse des bois, au centre desquels reluisait vaguement le lac, père des monstres. Un grand cri, l’appel de quelque animal fantastique, déchira les ténèbres : la terre de Maple White nous disait adieu. Nous nous engouffrâmes dans la caverne au bout de laquelle il y avait le chemin du pays.

Deux heures plus tard, nous étions avec nos paquets au pied de la falaise ; le bagage de Challenger nous avait seul occasionné de l’embarras. Laissant tout sur place, nous partîmes immédiatement pour le camp de Zambo et fûmes très étonnés, en approchant, de voir dans la plaine, non pas un feu mais une douzaine. Ils nous annonçaient l’arrivée des secours. Vingt Indiens étaient là, venus du fleuve avec des pieux, des cordes, et tout ce dont nous pouvions avoir besoin pour franchir le gouffre. Ainsi, du moins, nous n’éprouverions pas de difficultés pour le transport de nos colis quand, demain matin, nous reprendrions la route de l’Amazone.

(La fin au

prochain

numéro).
Conan Doyle.
L’ÉVASION

Deux heures plus tard, nous étions, avec tous nos paquets, au pied de la falaise ; seul, lebagage de Challenger nous avait occasionné de l’embarras. (Page 829, col. 2.)

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10E ANN., 1ER SEMESTRE, VI. – 62