Page:Doyle - Le Monde perdu.djvu/49

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dâmes interloqués, dans un silence que rompit le rire discordant du professeur Summerlee.

— C’est un aveu ! cria-t-il. Que vous faut-il davantage ? Le mystificateur se dénonce lui-même. Il ne nous reste plus qu’à nous en retourner chez nous pour l’exécuter.

— Encre invisible… suggérai-je.

— Peu probable, fit lord Roxton, exposant le papier à la lumière. Non, mon garçon, il ne servirait à rien de vouloir se faire illusion. J’affirme qu’il n’y a jamais eu un mot d’écrit sur cette feuille.

— Puis-je entrer ? mugit une voix, de la véranda.

L’ombre d’une pesante silhouette avait coupé la bande de soleil. Cette voix ! Cette monstrueuse largeur d’épaules ! Nous bondîmes, suffoqués de surprise, cependant que Challenger, coiffé d’un canotier de petit garçon, rond, et garni d’un ruban multicolore, les mains dans les poches de son veston, les pieds chaussés d’élégants souliers de toile, s’encadrait dans le chambranle de la porte. Rejetant la tête en arrière, il s’arrêta, et, sous un halo de soleil, du fond de sa barbe assyrienne, il nous considérait avec l’habituelle insolence de ses paupières basses.

— Je crains, dit-il, consultant sa montre, d’être en retard de quelques minutes. À parler franc, je ne croyais pas, en vous

UNE APPARITION INATTENDUE

L’ombre d’une pesante silhouette avait coupé la bande de soleil. Cette voix ! Cette monstrueuse largeur d’épaules ! Nous bondîmes, suffoqués de surprise, en reconnaissant Challenger, qui souriait en sa barbe assyrienne. (Page 129, col. 2.)


donnant cette enveloppe, que vous auriez jamais à l’ouvrir ; car je me proposais de vous rejoindre avant l’heure. Un pilote maladroit, conjuré avec un banc de sable intempestif, m’a occasionné ce retard que je déplore et qui, je gage, aura induit à blasphème mon collègue le professeur Summerlee !

— Certes, monsieur, répondit lord Roxton avec une certaine sévérité, votre arrivée me soulage d’un grand poids : car notre mission me semblait prématurément terminée. Mais, sur ma vie, je n’arrive pas